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Savoir gérer son temps au travail, est-ce si difficile ?

Des dizaines de mails à lire chaque jour, des notifications qui arrivent sur nos écrans en flux continu, des applis et plateformes collaboratives qui se multiplient accompagnées de messages incessants. Et par-dessus tout ça, les tâches quotidiennes à assurer et les objectifs à atteindre. Comment tenir le rythme et trouver son équilibre ? 

Pour donner des clés et répondre à ces questions, ProActif recrutement a rencontré Stéphane Maitrehut, de la société Ventalia. Coach, praticien en hypnose Ericksonienne et formateur en management, commercial & communication, Stéphane intervient régulièrement dans les entreprises sur le thème de la gestion du temps.

–  Cette thématique est-elle plus présente depuis la crise et avec la généralisation du télétravail ?

Stéphane Maitrehut : À dire vrai pas spécialement, car c’est un problème transversal qui revient en permanence. Lorsqu‘on traite par exemple de la gestion du stress, ou que l’on aborde le management et le commercial, la gestion du temps n’est jamais très loin. Et avec désormais le travail à la fois au bureau et à distance qui nécessite un management hybride, cette interrogation n’est pas encore bien réglée. Je constate que chaque encadrant fait comme il peut, c’est encore trop récent pour avoir des process standardisés entre l’apport de la digitalisation et le pilotage traditionnel des équipes.

– Le fait de se sentir débordé en permanence peut engendrer une vraie souffrance au travail. Comment abordez-vous cette question auprès des salariés ?

S.M. J’aborde ce thème, comme d’autres que j’affectionne, en avouant avec sincérité qu’il m’est arrivé et m’arrive encore de me faire happer par les obligations au quotidien et d’avoir des difficultés parfois à gérer le temps, les priorités… Que c’est pour cela que je me forme aussi régulièrement ou que je me fais aider sur ce thème pour progresser sans cesse.

La gestion du temps passe par la relation à soi et à la priorisation de ce qui est important pour chacun d’entre nous. Je demande donc aux collaborateurs de compléter des tests qui permettent d’identifier des freins, de mieux se connaitre et au final, d’avoir des clés pour ne plus subir. Être débordé n’est pas toujours la faute du patron, c’est aussi de la responsabilité de chacun sur le fait d’être trop disponible, de se débrouiller seul sans aller chercher de l’aide.

Je débute mes interventions en général en projetant une vidéo, où l’on voit un conférencier remplir un pot transparent d’abord de gros galets, puis de graviers, puis de sable et enfin d’eau. À chaque étape, il demande à la salle si le pot est plein et l’auditoire répond « oui ». Mais il continue pourtant à combler les interstices avec d’autres matériaux. La conclusion à en tirer n’est pas de surcharger une journée de travail, comme ce pot, mais au contraire de faire le tri entre ce qui est essentiel (les galets), secondaire (les graviers) puis de moins en moins important (le sable et l’eau).

Je m’inspire également de conseils de Fabien Olicard, auteur de « Votre temps est infini ». Ce qu’il dit : à l’échelle d’une journée, d’une semaine, d’un mois, nous devons nous référer à ces valeurs essentielles pour reprendre le contrôle face aux flux de sollicitations et ne pas sacrifier ce qui est précieux.

Pour définir ce qui est le plus précieux, Fabien Olicard nous suggère de réfléchir à ce que nous ferions d’une somme de 1440 euros disponible chaque jour versée tout le restant de notre vie, mais non cumulable et dont le compteur serait remis à zéro quotidiennement… 1440 correspondant au nombre de minutes dans une journée. Alors, pour chaque minute écoulée, qu’on ne pourra plus jamais revivre ni rattraper, quels choix faisons-nous ?

– OK pour faire le tri, prioriser, définir l’essentiel, mais comment procéder concrètement ?

S.M. Pour cela, la matrice d’Eisenhower est redoutable d’efficacité. Elle s’articule en 4 cases dans lesquelles chacun note 1- ce qui est important, urgent et qui a de la valeur : à prioriser, 2- urgent et non important, avec toujours une valeur : il faut prendre date, 3- urgent et non important avec une échéance courte à respecter : est-ce vraiment à moi de le faire, puis-je déléguer ? 4 – ni important ni urgent, à l’image de ces dossiers qui encombrent le bureau alors qu’on ne s’en sert jamais…

Une fois les cases de la matrice complétées, elles emmènent vite vers « les lois du temps », dont l’une des plus connues est celle de Laborit, célèbre neurobiologiste qui a trouvé que l’être humain accomplit en premier ce qui lui fait plaisir en repoussant à plus tard les tâches fastidieuses. Mon conseil pour mieux gérer son temps est au contraire de faire ce qui est le plus difficile le matin, et ce qui est plus facile en fin de journée.

La loi de Carlson est également intéressante : lorsqu’elle a été établie, l’étude montrait qu’un manager est interrompu en moyenne toutes les 7 minutes. Je pense que cette situation s’est aggravée depuis. Toujours est-il qu’il faut à peu près 3 minutes pour se reconcentrer pleinement sur le dossier après chaque arrêt. Le calcul est vertigineux : cumulées, ces 3 minutes représentent 1 h 20 par jour de temps perdu ! Prenons un exemple courant : nous sommes happés par le quotidien dès le réveil. Mail, messages WhatsApp, notifications… si on commence à prendre ces sollicitations quand elles arrivent, sans trier, on risque de perdre le cap. Alors l’objectif fixé pour la journée est mal parti…

Là encore, la méthode est assez simple lorsqu’on doit avancer sur un dossier complexe ou urgent : il faut savoir se rendre injoignable, fermer le téléphone, les applis et désactiver les notifications. Ne plus obéir à la tyrannie de l’immédiateté. En clair, nous ne sommes pas performants au même niveau en faisant deux choses à la fois. Il y a forcément une perte de qualité sur l’un des sujets. Gérer correctement son temps, c’est donc bien faire des choix et s’y tenir.

À lire : Votre temps est infini, de Fabien Olicard, First éditions En savoir plus sur la matrice d’Eisenhower